Si les calendriers précédents laissaient présager de gros changements, le calendrier 2025 l'affirme : la F1 désire bien faire table rase du passé et orienter le sport vers une nouvelle direction plus économiquement... [hum] vers une nouvelle direction sportive qui va embellir la discipline et qui ne s'embarrasse plus de ces tracés historiques qui font frissonner les pilotes.
Mais rangeons notre mauvaise foi de côté ! Et puisqu'on se prétend si amoureux de l'histoire de la F1, rendons-lui hommage. Dans cette série d'articles, nous reviendrons sur l'histoire de l'organisation des Grands Prix, l'évolution des normes exigées et bien sûr le fonctionnement des contrats entre les différentes parties.
Les balbutiements des débuts
Hélas (ou pas), la F1 n'a pas toujours connu un championnat du monde à 24 manches comme ces dernières années. Durant les deux premières décennies, le championnat du monde n'est qu'une petite fraction des épreuves de Formule 1 disputées. En 1950, seules sept manches de la trentaine de courses de F1 organisées sont sélectionnées par la Commission sportive internationale (CSI, ancienne branche sportive de la FIA qui régulait la F1) pour dessiner le championnat du monde.
Il n'y avait nul accord contractuel entre les organisateurs et la CSI, celle-ci se contentant alors de désigner les manches qui constitueraient le championnat. La seule condition pour être inscrit au calendrier était de payer un droit d'organisation d'environ 1 000 à 2 000 € (estimations adaptées à aujourd'hui, car en 1950 l'euro n'existait pas, imbécile). Il n'était pas rare que le calendrier soit modulé en cours de saison, par l'ajout d'une course au dernier moment ou un retrait à cause, par exemple, d'un organisateur manquant à ses engagements financiers.
Comme évoqué, il y avait aussi des courses hors championnat, les mal-aimées qui n'étaient pas retenues ou qui ne payaient pas. Certaines se déroulaient même dans des pays exotiques, tel un Grand Prix de Suède au Skarpnäckloppet (à vos souhaits), un ancien aérodrome à proximité de Stockholm, ou encore en Finlande au Eläintarhan Ajot (vous voulez un mouchoir ?), disputé à Helsinki (capitale du Père Noël).
Très tôt, ces pays comprirent le pouvoir du sport automobile pour se payer à moindre frais une campagne publicitaire. Et par campagne publicitaire, on pense aussi à l'Espagne dirigée par Franco, qui vint se greffer au calendrier.
La popularité d'un pilote était également un bon motif pour ramener la discipline dans son pays [bruits de Max Verstappen surpris]. En 1953, l'Argentine est arrivée pour Juan Manuel Fangio, alors champion du monde en 1951, et José Froilán González, redoutable concurrent de cette ère. Pourtant, le circuit souffrait de gros défauts, notamment une piste envahie chaque année par les spectateurs, ce qui vit à plusieurs reprises des voitures finir dans le public.
Un championnat du monde trop européen...
On parle de championnat du monde. Du moins, c'est l'ambition de la CSI. Car les seules manches extra-européennes furent en Argentine, au Maroc et aux 500 Miles d'Indianapolis. Si aujourd'hui l'idée d'inclure cette épreuve au championnat du monde semble ridicule, il faut savoir qu'à l'époque... elle l'était tout autant. En effet, la plupart des équipes de F1 ne se donnaient même pas la peine de faire le trajet, mais le prestige de cette course devait servir les intérêts de la F1 en lui prenant un peu de sa gloire.
Mais 1958 marque la dernière édition des 500 Miles d'Indianapolis en F1, laquelle s'orientait vers d'autres tracés américains : Sebring en Floride, Riverside en Californie, puis, pendant 19 ans, le mythique Watkins Glen dans le nord de l'État de New York. Cela répondait à un nombre croissant de pilotes états-uniens venant courir sur le vieux continent. Phil Hill était le meilleur représentant en tant qu'unique champion né aux USA, bientôt suivi par Dan Gurney, qui contribua à accroître la popularité de la F1 aux États-Unis.
Avec le désastre que fut le Grand Prix du Maroc 1958, la CSI eut peur de perdre pied en Afrique, car seuls deux pays restaient : la Rhodésie Britannique, pays riche via l'industrie du diamant, et l'Afrique du Sud, le plus européen des pays africains, qui plus est dirigé par des nostalgiques de la célèbre et controversée idéologie défendue par le IIIe grand empire allemand. Qui a dit que les problèmes d'éthique étaient nouveaux ?
Il fallut attendre un moment pour voir l'Asie arriver, malgré la présence du Prince Bira dans les années 50 ou de Honda à la fin des années 60, puisque la première course au Japon se tint en 1976.
De la rue à l'arène
Il est important de rappeler qu'un circuit automobile avait un sens plutôt abstrait, si vous me passez l'expression. C'était tant un tracé délimité par des bottes de paille sur un aéroport, Silverstone étant le plus culte, qu'un tracé délimité par l'environnement rural (comme Spa) ou urbain (comme Monaco) qu'offrait la géographie.
Avec des demandes d'inscriptions croissantes au championnat du monde, la CSI mit en place une licence F1 pour l'organisation des Grands Prix. C'était une sorte de prémisse de contrat, afin de ne pas perdre de temps avec d'éventuelles annulations. Qu'impliquait donc cette licence F1 qui allait durcir les critères d'attribution d'une manche de championnat du monde ? Déjà, répondre à des normes de construction. Ainsi, fini les stands en bois sans séparation avec la piste, qui pouvaient prendre feu à tout moment. À présent, les organisateurs avaient le devoir d'empêcher et d'interdire l'accès à la piste aux spectateurs, d'assurer la présence d'une cabane pour la direction de course et le chronométrage par les officiels de la CSI, pour ne citer que cela.
Mmh, ça coûte de l'argent, tout ça... Sans transition : les organisateurs commencent à mettre en place des billetteries, ce qui fait bondir les spectateurs dans certains pays habitués à venir se promener et se poser au bord de la piste. On pense ici aux légendaires resquilleurs de Monza qui découpaient les panneaux publicitaires ou se cachaient dans les arbres pour voir les courses, ou encore aux Mexicains installés à deux mètres de la célèbre piste de la capitale.
Eh oui, tu l'as compris, cette révolution fut majeure puisqu'elle transforma la Formule 1 de simples courses de rues en un spectacle enfermé dans une arène.
Monaco n'étant qu'un vestige de l'avant-guerre, les courses urbaines tendaient déjà à disparaître, surtout depuis le drame du Mans 1955. Mais cette disparition s'accéléra à cause des monstres de moteurs 3L naissants de la réglementation de 1966, lorsque les F1 devenaient des bombes roulantes. L'image la plus tristement célèbre de cette époque était l'accident mortel de Lorenzo Bandini dans les rues monégasques, qui conduisit à l'interdiction des bottes de paille pour délimiter le circuit. La mise en place des circuits permanents se normalisa, mais c'était un immense challenge logistique et je n'ai pas besoin de vous faire un dessin.
Ô que les pilotes étaient capricieux... Mais le cauchemar des organisateurs ne serait pas complet si ce n'était pas pour les clients... euh spectateurs qu'il fallait aussi satisfaire.
Mais la suite, cher lecteur avide de connaissances, nous en parlerons dans un prochain article qui abordera la modernisation des circuits, avec les révolutions apportées par Brands Hatch et le Paul Ricard !
Article proposé par Lionel Rosière alias CyclauGP. Vous trouverez ici sa chaîne YouTube consacrée aux sports mécaniques et au cyclisme.
Sources
Basile Davoine
L'Avenir
StatsF1
Arnaud Vernet
Simon Taylor
Olivier Rogar
René Fagnan
Mickael Guilmeau
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