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Des circuits d’hier aux arènes d’aujourd’hui 2/3 : la modernisation

Dans l'épisode précédent, nous avons exploré les débuts du calendrier de Formule 1, une époque où l'organisation des Grands Prix se faisait avec des moyens modestes et une grande flexibilité. Cependant, avec l'expansion du championnat du monde et les premiers signes de modernisation, les défis ne firent que croître.

Grand Prix de Grande Bretagne 1964 | Brands Hatch

Dans cet épisode, nous plongeons dans les années 60, une décennie marquée par une transformation radicale des circuits automobiles. Poussés par des exigences de sécurité de plus en plus strictes et des coûts en constante augmentation, les organisateurs furent contraints de repenser leurs infrastructures. Ce passage obligé vers la modernité donna naissance à des circuits sophistiqués, tout en sonnant le glas des petites courses hors championnat qui n'avaient plus les moyens de suivre le rythme.

Brands Hatch, prototype du circuit moderne

Le spectateur des années 60 cherchait confort et expérience, avec des tribunes aménagées. Chose que le jeune John Webb, promoteur du circuit de Brands Hatch, avait parfaitement comprise. À cette époque, John Webb imposa un nouveau standard dans la transition vers le sport de masse que devint la Formule 1 dans ces années de changements majeurs, surpassant même Jimmy Brown, le fantasque papa de Silverstone.

Arrivé sur le circuit londonien en 1954, à 23 ans, en tant que responsable presse, Webb assistait au rachat du circuit par Grovehood Securities en 1961, une société de maisons de retraite et de plasturgie pour 92 000 £. Ensemble, ils rachetèrent cinq autres pistes majeures en Angleterre et créèrent la première société de gestion de circuit au monde.

Après son arrivée en tant que directeur de Brands Hatch en 1961, le circuit se dota de plusieurs tribunes, du premier centre médical construit sur un circuit, de stands en briques séparés de la piste, ainsi que d'un paddock où les équipes pouvaient s'installer. Chaque week-end, des courses étaient organisées et, en semaine, place aux écoles de pilotage ! La première année, Brands Hatch devint le circuit le plus riche de Grande-Bretagne avec 40 000 £ de bénéfices. Son secret ? Le sponsoring extra-sportif et un nouveau concept : celui des courses avec naming. Webb dénicha la compagnie aérienne Silver City Airways pour sponsoriser sa course hors-championnat de 1959. Entre l'entretien et les frais d'organisation, John Webb estimait, en 1964, des coûts à plus de 75 000 £.

La réussite de ce Grand Prix hors-championnat encouragea le circuit à briguer une place dans le calendrier du championnat du monde, qu'il obtint à partir de 1964, en alternance avec Silverstone. Le Grand Prix de Brands Hatch incarnait alors le summum du progrès en termes de circuit et d'infrastructures, comparé aux pistes tracées sur des routes nationales.

Pour rentabiliser les investissements croissants à la fin des années 60, en grande partie dus aux exigences accrues en matière de sécurité autour de la piste, Webb introduisit le surprenant concept du billet à 1 £ pour attirer davantage de spectateurs. L'engouement grandit également, de 42 000 spectateurs en 1964 pour la première édition, Webb parvint à en attirer 86 000, un record à l'époque, alors que Silverstone peinait à réunir 70 000 spectateurs. Eh oui, ouistiti, déjà, organiser un Grand Prix n'était pas chose rentable...

Ses innovations furent rapidement imitées et attirèrent l'attention de son ami Bernie Ecclestone. Avec son arrivée à la tête de la Formula 1 Constructors Association (F1CA ou FOCA), les choses allaient continuer à changer...

Bernie Ecclestone (1974), président de la FOCA | PHOTO : David Phipps

Les circuits changent, les budgets explosent

Comme on vient de le voir, alors qu'il suffisait d'un bon vieil aérodrome désaffecté pour bâtir un circuit dans les années 50 et au début des années 60, les exigences croissantes en matière de sécurité ont rendu ce modèle obsolète. En moins de cinq ans, les pilotes ont troqué leurs chemises et nœuds papillon pour des combinaisons ignifugées et des casques de moto plus solides, lesquels ne tardèrent pas non plus à se découvrir une vocation pour accueillir des sponsors.

Le circuit de Zeltweg en Autriche fut le dernier tracé de ce type en championnat du monde, avec en prime un des pires (sinon le pire) tracés de l'histoire : un grossier "L" inversé de 3,2 kilomètres, sans âme et surtout très dangereux. Circuit tellement raté que les pilotes boycottèrent l'édition de 1965, forçant l'organisateur à construire un circuit permanent sur la colline voisine !

Les pilotes mirent en place un semblant de commission de validation des pistes, une tâche que la CSI était incapable de gérer. Ainsi, au milieu des années 60, les organisateurs furent contraints d'améliorer leurs infrastructures, ou même de construire des circuits permanents sur le modèle de Brands Hatch. Construire un circuit coûtait déjà une fortune, mais la facture explosa lorsqu'il fallut répondre aux nouvelles normes. Alors que le budget des équipes stagnait entre 250 000 £ pour les plus riches et moins de 50 000 £ pour les privés, il fallait investir trois fois plus pour les circuits qui les accueillaient. Mosport, par exemple, qui accueillit le tout nouveau Grand Prix du Canada dès 1967, coûta la bagatelle de 600 000 US$, et il était loin d'être le plus cher à construire.

Le circuit de Mosport alternait entre talus et quelques rares rails doubles épaisseurs, les dégagements restaient rudimentaires, mais les stands, en revanche, étaient permanents, permettant aux équipes de travailler sur les monoplaces tout le week-end. Sur le papier, un modèle prometteur ! Mais les organisateurs, BEMC, firent faillite, n'ayant réuni que 40 000 spectateurs.

En 1950, organiser un Grand Prix coûtait seulement quelques milliers d'euros. Mais en 1968, les coûts avaient été multipliés par dix. Face à cette explosion des dépenses, la plupart des organisateurs se tournaient de plus en plus vers le sponsoring extra-sportif , car les primes de départ restaient dérisoires. Bien que ce type de sponsoring existât depuis les premières courses, il était encore relativement rare et mal distribué.

Pour couvrir les coûts grandissants, notamment ceux liés à l'installation de rails de sécurité à double hauteur, comme l'exigeait Jackie Stewart, de nombreuses petites organisations hors championnat furent découragées. Ces exigences rendaient l'organisation de courses hors championnat de plus en plus difficile, entraînant la disparition rapide de ce type d'événement au cours des années 70.

Grand Prix de France 1971 | Brands Hatch

Le Paul Ricard, la référence

En 1969, le Circuit Paul Ricard fut construit en un temps record de neuf mois, des premières esquisses à la piste capable d'accueillir une épreuve nationale. Ce circuit fut le premier en France à être financé entièrement par des fonds privés, ceux de Paul Ricard, un farouche adversaire de l'État, qui lui avait causé de nombreux désagréments au fil des années.

Initialement, Paul Ricard avait l'ambition de bâtir un complexe dédié à l'innovation avec un aéroport, mais sans vraiment savoir comment exploiter tout son terrain. Il envisagea d'abord un complexe similaire aux pistes cyclistes d'Antipolis, mais cette proposition fut refusée par la préfecture. Décidé à défier les autorités locales, Ricard, bien que davantage passionné par le cyclisme que par le sport automobile, décida de construire un circuit automobile, un défi personnel et une manière de provoquer les autorités parisiennes.

Pour ce projet, Paul Ricard s'entoura de bonnes personnes : Jean-Pierre Paoli, pilote et ingénieur civil, François Chevalier, un ancien pilote devenu gestionnaire, ainsi qu'Henri Pescarolo et Jean-Pierre Beltoise pour le tracé. Une petite équipe d'ingénieurs dirigée par Charles Deutsch fut formée et coordonnée par Ricard lui-même. Cependant, la première ébauche ne lui plut point. Ayant investi des sommes colossales dans le chantier, il licencia les ingénieurs et demanda à Jean-Pierre Beltoise de redessiner le dernier secteur.

Ainsi naquit le Circuit Paul Ricard, un circuit avant-gardiste avec de véritables bacs à gravier, des rails de sécurité triple hauteur, soit plus que ce que demandaient les pilotes, la ligne droite du Mistral de 1800 mètres pour tester les moteurs, et une variété incroyable de pistes et de virages.

Les stands du Ricard étaient alors les plus modernes, comprenant un véritable espace dédié au travail, une desserte pensée pour installer le paddock, un centre de presse insonorisé et une tour de chronométrage dernier cri. Même si elle n'avait pas d'escaliers ; il y avait déjà assez de dépenses comme ça...

La construction du Circuit Paul Ricard coûta 13 000 000 de francs, quatre fois plus que le circuit d'Anderstorp, conçu à la même époque sur un modèle similaire avec un petit aérodrome de club, une piste automobile et des infrastructures modernes pour l'époque. Le coût de l'organisation d'un Grand Prix explosa en quelques mois, doublant en l'espace de deux ans. Une situation difficile à gérer avec des organisateurs toujours aussi économes, mais l'homme de la situation arriva : Bernard "Bernie" Charles Ecclestone.

Encore lui...

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